Daniel Atz est américain. Depuis 2014, il est aussi luxembourgeois. Son arrière-grand-mère vivait au Grand-Duché, il a ainsi bénéficié de la clause de recouvrement. Grâce aux données du RNPP, il aide les candidats à la double nationalité, aux États-Unis et au Brésil. Avec un certain succès.
Une belle histoire, comme les Américains savent les écrire : début 2018, Daniel Atz rencontre sa famille luxembourgeoise, à Esch, où une dame reconnaît, sur une photo en noir et blanc, sa « Liblingstatta » : l’arrière-grand-mère de Daniel Atz.
Rapidement, ce dernier se doute qu’il ne doit pas être un cas unique. Il met sur pied une structure, offrant ses services aux Américains désireux de recouvrer la nationalité luxembourgeoise.
Pour avoir une idée du nombre de personnes potentiellement concernées, M. Atz utilise les données du Registre national des personnes physiques (RNPP), qui indique notamment le nombre de Luxembourgeois vivant à l’étranger. Soit, au 31 mars, quelque 130.000 personnes.
Ce chiffre est à prendre avec des pincettes : le RNPP peut ne pas être informé de cas de naissances, décès ou déménagements. Même imparfaits, ces éléments ont grandement aidé Daniel Atz. « Ils nous ont permis de valider plusieurs années d’hypothèses dans notre recherche, dont nous avons complètement changé l’approche. »
Retournons en 2018 : le RNPP dénombrait alors environ 66.000 Luxembourgeois habitant à l’étranger. La moitié. Les lois de 2008 et 2017 sur la nationalité luxembourgeoise ont à l’évidence joué un rôle majeur dans cette dynamique.
Ainsi, en 2018, la Belgique, la France et l’Allemagne se disputaient le trio de tête du nombre de Luxembourgeois que ces pays hébergeaient. Cinq ans plus tard, le Brésil pointe à la troisième position, reléguant l’Allemagne hors du podium.
Les dix principaux pays où résident les Luxembourgeois habitant à l'étranger
Le Grand-Duché comptait sur son sol, au 1er janvier, 347.000 Luxembourgeois. On comprend l’impact que les 130.000 Luxembourgeois à l’étranger pourraient avoir lors des élections législatives. Selon M. Atz, 70% des Luxembourgeois vivant aux États-Unis et au Brésil sont en âge de voter. Autrement dit : « Ces seuls Luxembourgeois représentent 10% des électeurs aujourd’hui inscrits sur les listes électorales au Grand-Duché, c’est un fait inédit », assure-t-il, curieux de se pencher également sur le cas argentin.
Quand le peuple américain porte Donald Trump à la Maison Blanche, fin 2016, le site internet de l’immigration canadienne devient inaccessible, à cause d’une fréquentation anormalement élevée, rapporte M. Atz. Lui-même avait déjà entrepris les démarches pour devenir Luxembourgeois. « Toute l’information pour demander la nationalité luxembourgeoise était en français, j’ai alors réalisé un kit pour expliquer comment s’y prendre. » Après un an de disette, les appels se multiplient par centaines à destination de son entreprise.
Dans un deuxième temps, M. Atz met à profit sa connaissance du portugais pour s’intéresser à la population brésilienne.
Quelles motivations poussent ces personnes à demander la nationalité luxembourgeoise ? M. Atz identifie plusieurs facteurs, dont un politique : « L’élection de Trump a probablement été un déclencheur tout comme, un an plus tard, le fait de signer presque en catimini un projet de loi fiscale. Quand, en juin 2022, la Cour suprême met à mal le droit à l’avortement, nous faisons en deux mois notre chiffre d’affaire de 2019. Les pics de demandes que j’ai constatés sont liés aux moments politiques les plus polémiques. De même, l’élection de Bolsonaro a certainement poussé certains résidents brésiliens à demander la nationalité luxembourgeoise. » Le passeport luxembourgeois peut être vu comme une garantie de stabilité.
Pour qui voteraient ces néo-Luxembourgeois ?
Les premières familles luxembourgeoises arrivent au Brésil en 1828. « L’immigration luxembourgeoise au Brésil précède celle pour les États-Unis. Le premier Luxembourgeois parvenu sur le sol brésilien a eu une riche lignée : 15.000 descendants », précise M. Atz. « 2.000 d’entre eux ont demandé la nationalité. »
Pour qui votent ou voteraient ces néo-Luxembourgeois ? Au Brésil, ils sont très majoritairement installés dans l'État de Santa Catarina, qui a voté à 67% pour Jair Bolsonaro aux dernières élections. Impossible, cependant, de déterminer à quel point ils peuvent se retrouver dans cet électorat.
Mais à l'heure où les partis politiques luxembourgeois font le déplacement au Brésil, la question mérite d'être posée. « Que signifie exactement aux yeux des Brésiliens et des Américains les dénominations Christian Social People's Party ou Socialist Workers' Party? », interroge M. Atz. « J’ai le sentiment que beaucoup ont du Luxembourg une image qui ne correspond pas nécessairement à la réalité. »
Aujourd’hui, quelle est la donnée essentielle qui lui manque ? « Ces deux pays sont immenses. Je souhaiterais connaître les États, voire les villes où résident ces néo-Luxembourgeois. Une demande en ce sens a été formulée au RNPP, afin d’obtenir des codes postaux, malheureusement refusée. » Le RNPP met en avant des raisons de qualité et de fiabilité des données d'une part et des raisons de protection des données personnelles d'autre part, n’ayant aucune connaissance du degré de granularité des codes postaux étrangers. Outre-Atlantique, la pêche aux informations n’est guère plus fructueuse.
Pourtant, vu la dynamique en cours depuis quelques années au Brésil, « et ce n’est sans doute que le commencement », M. Atz aimerait comprendre ce qu’il s’y passe et déceler plus précisément où vivent ces populations.
Outre-Atlantique, y a-t-il un désir d’apprendre le luxembourgeois ? À en croire l’initiateur de Luxcitizenship, la réponse est affirmative, sans hésitation. Dans certaines communautés au Brésil, quelques aînés parleraient encore un dialecte voisin du luxembourgeois. Un article publié en 2017 dans L’Alsace présente une histoire similaire : une Brésilienne récite une comptine en francique, apprise dans le Rio Grande do Sul. Dans une enquête menée par Daniel Atz auprès de plus de 200 futurs binationaux brésiliens et plus de 1000 binationaux américains, plus de 80% des participants se disent désireux d’apprendre le luxembourgeois.
Fichier extrait du registre national des personnes physiques (RNPP) indiquant le nombre de luxembourgeois ayant leur résidence à l'étranger. Ce fichier ne renseigne que les pays avec au moins 10 residents luxembourgeois et le nombre n'est qu'indicatif dans la mesure où il peut y avoir des cas de…